Le Puesto del Salto (en haut, à gauche, où se trouvent les arbres), est l'aboutissement de la vallée par laquelle on accède à l'estancia (en haut, à droite). On distingue les traces de la voie carrossable tracée par les mineurs pour accéder aux veines de quartz en haut de la montagne. Après le maté du matin, toujours réconfortant, nous attendons l'arrivée des chevaux du Puesto de Gil. Ils sont conduits par Antonio, le gaucho qui gère l'estancia en l'absence de don Alberto, et par Claudio, un jeune homme qui vient prêter main forte à la belle saison.
Grâce à un texto, devenu un moyen privilégié de communication dans les montagnes, nous savons que nous avons environ deux heures à attendre. J'en profite pour visiter les environs emmené par Victor qui est sorti ce matin de son sac de couchage comme un diable de sa boîte.
La vallée où coule le torrent est la voie d'accès qui permet de se rapprocher le plus des hauteurs de la sierra de Michilingue où se trouve l'estancia de don Alberto. Le Puesto del Salto marque le dernier point où peuvent venir des véhicules à roues, autrefois des charrettes, aujourd'hui des 4x4). Au delà, l'escarpement des montagnes n'autorise que des sentes où cheminent, difficilement les chevaux et les animaux de bât.
Victor me guide dans ma visite des environs. Il tient dans sa main une fronde. Il rêve de chasser la vizcacha. Peut-être y parviendra-t-il un jour. Au fond, en direction du Nord, on aperçoit quelques arbres. Dans cette région, ils signalent une présence humaine. La sierra de Michilingue culmine à 2000 m d'altitude. Elle est la dernière résurgence des sierras de Cordoba, de vieilles montagnes fatiguées qui séparent la pampa des Andes. Au sommet du mont Tomalasta on devine à l'Est la grande plaine qui s'achève dans l'Atlantique et à l'Ouest les salines de San Luis, dans la riche plaine au pied des Andes où poussent les meilleurs vignobles d'Argentine.
Quand on est bien placé, tout en haut, on devine à l'Est (à droite) la pampa et à l'Ouest (à gauche) la vallée de Mendoza (l'ancienne province de Cuyo) où naît le vin argentin. Je me fixe pour objectif de cette courte montagne un mont pyramidal qui s'élève tout près de l'habitation du Salto. J'apprends que cette hauteur a fait l'objet d'une tentative d'exploitation minière. Mais les difficultés d'accès ont rendu cette entreprise impossible.
En gravissant la pente qui mène au sommet, Victor s'exclame : « Condores ! ». Cecilia, l'épouse de don Alberto qui nous accompagne, confirme les dires du petit-garçon et ajoute : « On en voit six. Non, quatre. On les identifie grâce à la tâche blanche au cou. Les autres sont des oiseaux de proie locaux. »
J'essaie de les photographier, mais je ne dispose pas d'un téléobjectif assez puissant. Je me contente d'admirer ces superbes oiseaux faisant des cercles au-dessus de nous.
Parvenu au sommet, le vent souffle en force et la température est plus que fraîche. Je me rends compte qu'un des avantages de cette sierra est qu'au plus fort de l'été on n'étouffe pas comme dans la plaine. Il fait une température clémente, bien agréable pour un Européen en visite.
Cecilia me signale les cyprès qui marquent le puesto en m'expliquant que dans la sierra un arbre a forcément été planté par l'homme. Chaque fois que l'on aperçoit une tâche de verdure, on est sur de découvrir une maison ou les traces d'une occupation humaine.
Je grimpe sur le bloc de pierre au plus près des cieux pour photographier l'ensemble de la vallée.
Revoilà le Puesto del Salto. Devant, une retenue d'eau naturelle où viennent se poser des canards sauvages. Un enclos de pierre a longtemps servi pour garder le bétail qui devait être convoyé au marché.
J'ai tourné ma caméra vers l'Nord-Est. On voit clairement le torrent qui suit le cours de la vallée. Hier, nous avons longé ses rives en voiture et l'avons franchi à gué plusieurs fois. Toujours la même vallée, plus à l'Est. Par ici sont conduits les troupeaux de don Alberto pour qu'ils soient embarqués dans des camions à destination de la foire. Orienté plein Est : les camions de transport de bétail ne peuvent emprunter la route jusqu'au Salto. Ils attendent les animaux à quelques centaines de mètres de la route qui relie La Carolina à San Francisco del Monte de Oro. Ici la vallée disparaît en haut à gauche de la photo, ce qui correspond au sud-est. Derrière les hauteurs, la pampa et à douze heures de voiture, les rives du Rio de la Plata. «Les voilà ! » Victor montre du doigt de minuscules silhouettes qui s'approchent du Salto. « Ce sont eux », confirme Cecilia. « Antonio et Claudio arrivent avec nos chevaux. Je compte un troisième cavalier. C'est ma fille Matilde qui les accompagne. Vite, redescendons les retrouver. »
Antonio et Claudio arrivent avec nos chevaux. Ils débouchent de la sente qui vient de Puesto de Gil.